> Interview avec Baudime Jam

 

À l'occasion de la publication, aux Éditions du Mélophile, de sa biographie complète de George Onslow en septembre 2003 *, nous nous nous sommes entretenus avec Baudime Jam, onslowphile passionné qui œuvre depuis de nombreuses années et de diverses façons à la réhabilitation de ce compositeur injustement oublié.

Outre cette interview, nous invitons les internautes à écouter la série d'émissions (5 x 1 heure) réalisée par David Meichtry et produite par Jean-Luc Rieder pour la Radio Suisse Romande : intitulé "Aimez-vous Onslow ?", cet opus de Musique en Mémoire enregistré à Clermont-Ferrand les 21 et 22 février 2004, et dont Baudime Jam était l'invité, fut diffusé du 1er au 5 mars 2004, et rediffusé du 27 au 31 décembre 2004.

cliquez sur l'icone pour vous rendre sur la page d'écoute :

 

Actualité : Dossier Onslow dans "L'Almanach des Gens d'Auvergne 2006" et article dans Modergnat (avril 2005)


Le site George Onslow :
Dans quelles circonstances avez-vous découvert George Onslow ?

Baudime Jam : Étant clermontois de naissance et issu d'une famille de musiciens, ce nom ne m'a jamais été inconnu, même si les occasions d'entendre du Onslow il y a vingt ans étaient extrêmement rares et dispersées. Je connaissais bien, néanmoins, le quintette Onslow dont les membres, des professeurs de l'École de musique de Thiers, étaient des amis. Leur répertoire était hélas très limité puisqu'Onslow n'a composé qu'une seule et unique œuvre pour leur formation. Plus tard, j'ai commencé à me pencher sur la question à l'époque où je produisais les programmes de musique classique sur l'antenne clermontoise de Radio France : je disposais alors d'une chronique quotidienne et d'un magazine hebdomadaire, ce qui m'a permis de consacrer plusieurs émissions à George Onslow, en faisant usage des rares enregistrements alors disponibles, c'est-à-dire essentiellement les excellents vinyles réalisés à Valprivas par Carl de Nys. Par la suite, j'ai fondé le quatuor Prima Vista, et la nécessité de poser sur nos pupitres une des nombreuses partitions d'Onslow s'est imposée immédiatement. Notre démarche était essentiellement fondée sur la curiosité, et non sur la connaissance car personne ne savait comment sonnaient ces quatuors dont aucun n'était disponible en édition moderne ; mais dès la première lecture (il s'agissait de l'opus 65), il nous est apparu très clairement que nous avions le devoir de faire entendre cette musique oubliée. De là est né le projet d'exhumer chaque année deux quatuors d'Onslow pour les inscrire à notre répertoire de saison et de tournée.

Le site G. O. : Quel a été l'accueil du public ?

B. J. : Il n'a pas été immédiatement enthousiaste, ou disons plutôt que la spécificité de cette musique n'a pas été perçue de prime abord. Il faut un certain recul pour apprécier Onslow, or en l'absence de toute référence, surtout en ce qui concernait les quatuors et quintettes, les auditeurs hésitaient à formuler un jugement. Mais très rapidement, et la multiplication des concerts aidant, nous avons nous-mêmes pris conscience des caractéristiques stylistiques de ce répertoire ce qui nous a facilité la tâche vis-à-vis du public : "ce qui se conçoit clairement s'exprime clairement" ! Il reste encore bien du chemin à parcourir pour réintroduire durablement l'œuvre d'Onslow dans le répertoire des concerts, et la démarche du quatuor Prima Vista est encore trop isolée (du moins en France) : mais notre expérience nous a montré de façon évidente que les quatuors d'Onslow ont leur place dans les programmes de musique de chambre car ils jouent un rôle pivot dans l'économie des concerts qui est une question à laquelle il faut prêter une réelle attention, surtout de nos jours. La soirée d'ouverture de notre saison clermontoise est un des rendez-vous onslowiens importants : chaque année, nous y partageons avec les mélomanes la découverte d'un nouvel opus, sauvé de l'oubli en quelque sorte. Nos abonnés attendent désormais ce moment fort et, pour répondre à votre question, leur accueil ne nous déçoit jamais.

Le site G. O. : Vous avez également créé un festival consacré à George Onslow.

B. J. : En collaboration avec la Route historique des châteaux d'Auvergne qui nous offre la possibilité de proposer une semaine de concerts dans des cadres superbes où nous sommes reçus avec un sens authentique de l'hospitalité, ce qui n'est pas le moindre charmes de ces "Soirées Onslow".

Le site G. O. : Il s'agit-là d'une initiative encore très isolée dans le paysage musical actuel.

B. J. : Hélas oui : personne actuellemen t en France ne s'occupe sérieusement de faire connaître la musique d'Onslow. Les Allemands sont en avance sur nous en ce domaine. Personne n'est prophète en son pays !

Le site G. O. : Nous renvoyons les internautes au site internet du quatuor Prima Vista pour se tenir informés de la prochaine édition qui aura lieu du 1er au 5 août 2004. C'est donc comme quartettiste que vous avez fait connaissance avec l'œuvre d'Onslow, c'est-à-dire non seulement d'une façon très intérieure, mais également à travers son genre de prédilection, la musique de chambre : comment avez-vous pris la décision d'écrire sa biographie ?

B. J. : Mon travail à Radio France m'avait déjà conduit à faire quelques petites recherches, et mon activité de conférencier, dans le cadre des cycles de conférences-concerts du quatuor Prima Vista, m'avait également permis d'approfondir ces premiers résultats. Une étape décisive fut une invitation, en 2000, à prononcer une conférence à la Bibliothèque Massillon de Clermont-Ferrand : j'entrepris alors mes premiers travaux importants, notamment dans les archives du fonds régional de la BMIU, ce qui m'a permis de prendre la mesure du défi que représentait de telles recherches dans la mesure où, en particulier, le dépouillement de la presse n'avait jamais été effectué, en dépit de l'importance significative de ces documents. Le projet d'une biographie s'est donc imposé de façon naturelle, d'autant que d'emblée le sujet semblait se prêter à de nombreuses digressions socio-musicologiques.

Le site G. O. : Quels ont été vos objectifs ?

B. J. : J'ai tout de suite compris qu'il était important d'articuler tous les aspects de la carrière d'Onslow : certes sa présence dans la vie musicale parisienne, mais également son implication dans le paysage culturel provincial à Clermont-Ferrand, et la réception de son œuvre dans les deux pays frontaliers de la France, l'Allemagne et l'Angleterre. Onslow offre l'opportunité très rare d'offrir la possibilité d'étudier une carrière artistique dans des contextes très disparates : il ne fallait surtout pas laisser une telle occasion d'analyser et de comprendre les mécanismes du public, de la presse et des interprètes sur des scènes aussi différentes. En tant que musicien moi-même, et régulièrement confronté à des situations hétérogènes, j'ai été très sensible à cet aspect. Par ailleurs, il n'existe que très peu d'étude sur la vie musicale en province car le sujet intéresse peu les chercheurs de la capitale et qu'il requiert un travail considérable de collectage et de dépouillement : la presse locale n'est pas prête à l'emploi comme le sont les collections de la "Gazette musicale" conservées rue de Louvois ! C'est un travail de longue haleine que très peu de chercheurs ont entrepris.

Le site G. O. : D'où l'accueil favorable que votre ouvrage a obtenu notamment à Clermont-Ferrand.

B. J. : Plus ou moins : certaines personnes n'apprécient pas que vous exploriez certains domaines avant eux ! Mais mis à part quelques grincements institutionnels, j'ai constaté avec plaisir que les lecteurs ont tout particulièrement apprécié de pouvoir faire connaissance avec le paysage culturel et le fonctionnement de la vie musicale d'une ville provinciale emblématique telle que l'est Clermont. La valorisation des archives notamment du fonds "patrimoine Auvergne", dans un domaine encore inexploré, a fait l'objet en mars 2004 d'une conférence dans le cadre de la saison culturelle de la Bibliothèque Municipale et Inter-Universitaire : cette rencontre est importante car elle a permis de faire le lien entre la recherche et le lectorat qui est de plus en plus intéressé par la question des sources. Ce fut donc l'occasion de partager avec le public la découverte de ces documents conservés à Clermont et dont j'ai fait un usage très abondant dans mon travail compte tenu de leur grand intérêt historiographique. Par ailleurs, la conférence fut suivie d'un concert, car nous ne saurions manquer de profiter de l'excellente acoustique de la Bibliothèque Massillon où nous avons le plaisir de nous produire depuis quelques années. De façon générale, les invitations à donner des conférences se multiplient, ce dont je me réjouis car ce sont autant d'occasion de faire connaître Onslow et d'éveiller la curiosité des mélomanes.

Le site G. O. : Pour mémoire, nous rappellerons que vous avez été invité à prononcer des conférences sur George Onslow notamment par l'Université de La Sorbonne, l'Université de Samara (Russie), le Conservatoire de Nijni Novgorod (Russie), l'Alliance Française, l'Association historique Napoléon III, l'Institut du Temps Libre, l'association "Onslow d'Auvergne", l'Association Culturelle Francophone de l'ONU à New York où s'est tenue la Journée Onslow 2005, et que vous avez récemment participé à la 5e "Music in Nineteenth-Century Britain Conference" qui a eu lieu à l'Université de Nottingham du 7 au 10 juillet 2005 : le sujet de votre conférence était "George Onslow à Londres : le rendez-vous manqué" (George Onslow in London : an Unexpected Failure).

B. J. : Les relations de George Onslow avec l'Angleterre sont complexes et c'est un sujet qui me semble très riche en problématiques, notamment lorsqu'on le met en parallèle avec son succès en Allemagne. J'en parlais encore récemment à l'issue d'un concert que j'ai donné à Londres au sein du quatuor Prima Vista le 24 avril dernier au Blackheath Theatre et au programme duquel figurait bien entendu du Onslow.

Le site G. O. : Vous allez donc également œuvrer pour une réhabilitation d'Onslow et de sa musique sur la terre de ses ancêtres...

B. J. : C'est ce que j'espère !

Le site G. O. : On se doute, à la lecture de votre chapitre "clermontois", que vous avez consacré un temps considérable au dépouillement et à l'analyse de ses archives, mais qu'en est-il par ailleurs de vos recherches à l'étranger ?

B. J. : L'étude comparée et contextuelle de la vie musicale dans les principales villes d'Europe a soulevé d'autres problèmes, notamment en ce qui concerne l'accès aux documents qui sont dispersés. Cela ne m'a pas pour autant découragé et j'ai fait mes valises pour me rendre sur place pour réunir les sources nécessaires à ce projet.

Le site G. O. : Quel est votre meilleur souvenir à ce propos ?

B. J. : Mon séjour à Londres durant lequel j'ai littéralement écumé les collections de la British Library. L'histoire d'Onslow en Angleterre est une histoire compliquée et qui laisse perplexe : ce que j'y ait découvert ne laisse pas de surprendre et la thèse que cela m'a conduit à développer à ce sujet - c'est-à-dire l'accueil très mitigé dont sa musique a fait l'objet - a rencontré une écoute favorable auprès de plusieurs chercheurs d'Oxford et d'ailleurs. C'est là, à Londres, que j'ai acquis la certitude qu'il ne fallait pas laisser dans l'ombre la carrière ou plus exactement les carrières européennes d'Onslow. La même remarque s'applique à l'Allemagne qui fit à Onslow un accueil très différent de celui des britanniques. Si j'en juge par les réactions qui me parviennent des universités britanniques et germaniques, j'en déduis que je n'ai pas perdu mon temps en creusant cette question. Limiter la connaissance d'Onslow à sa carrière parisienne, c'est se priver de perspectives beaucoup plus riches et signifiantes : inversement, les caractéristiques culturelles si attachantes de notre capitale acquièrent une dimension autrement passionnantes lorsqu'elles sont rapprochées de celles de nos voisins.

Le site G. O. : Votre étude comparée de l'accueil réservé à la musique d'Onslow en Allemagne et en Angleterre est en effet très éclairante quant aux différences culturelles de ces deux pays : on a même l'impression que tout votre ouvrage est bâti sur le triptyque franco-germano-anglais. Est-ce exact ?

B. J. : Effectivement, c'est un des axes importants de mon "regard" sur Onslow : à maints égards, sa vie personnelle, sa carrière et ses ambitions sont partagées entre ses trois pays de façon dialectique et souvent contradictoire.

Le site G. O. : Il faut dire à ce propos que vos recherches, tant sur la carrière clermontoise de George Onslow que sur les archives britanniques et germaniques, représentent un travail entièrement inédit qui n'avait jamais été réalisé avant vous.

B. J. : Tel était l'objectif de cette biographie que de couvrir l'ensemble des aspects d'un parcours musical qui dépasse de très loin les seuls enjeux du microcosme parisien, dont on ne saurait nier le grand intérêt, mais dans lequel ce serait une erreur d'enfermer George Onslow. Il fallait donc explorer et étudier ces pistes qui ouvrent des perspectives autrement captivantes et signifiantes.

Le site G. O. : Un journaliste (Philippe Thanh) a écrit fort justement que votre ouvrage est "une mine d'informations" (La Lettre du Musicien, octobre 2003), et l'on constate effectivement que vous faites un usage très large, et du reste très savoureux, d'un riche corpus de documents d'époque inédits : pourquoi ?

B. J. : Tout d'abord par déontologie : rien ne vaudra jamais un solide retour aux sources. Par contrainte ensuite car il n'y avait pas, dans les catalogues actuels, de bibliographie consacrée à Onslow, en dehors de l'excellente étude que Christiana Nobach a consacrée à sa musique de chambre en 1985, qui n'a jamais été traduite de l'allemand et qui est aujourd'hui indisponible ; quant à l'attachante monographie de Gérard Faivre, - désormais également indisponible - elle était, jusqu'à ce jour, la seule étude sur le sujet, ainsi que le rappelait Carl de Nys qui en avait rédigé la préface. Un simple survol des collections pourtant fort riches de l'Université de la Sorbonne ne révèle d'ailleurs aucune autre source récente. Enfin, par goût personnel : en tant que lecteur, j'apprécie énormément les textes originaux, correspondance, presse, littérature, etc., et je me méfie, a contrario, des citations trop succinctes qui, prises hors de leur contexte, sont souvent dénaturées. Les réécritures sont trop souvent fades et l'on perd beaucoup au change : le style, les anecdotes si souvent importantes, la légitimité enfin. Par ailleurs, le travail qui consiste à réunir des centaines de documents pour la plupart inédits est tel, qu'il serait un crime de ne pas en partager la saveur avec les lecteurs. Si je vous dis qu'Onslow a exprimé à plusieurs reprises son incompréhension à l'égard des derniers quatuors de Beethoven, je vous transmets une information : si je vous permets de lire ses propres paroles, extraites, ici d'une lettre à un ami, là d'un article, je vous donne l'occasion de goûter cette information dans sa vérité. En ce qui concerne la presse, il me semble important de faire sentir aux lecteurs d'aujourd'hui que la plume des journalistes était à cette époque à la fois plus virulentes (dans la condamnation comme dans l'éloge), mais aussi plus pertinente et spécialisée. Il ne sert à rien de dire que tel quatuor d'Onslow a été apprécié ou dénigré : je préfère donner à lire les critiques qui expriment en direct et avec leurs mots l'opinion de leurs contemporains. En revanche, je crois qu'il est essentiel, pour des raisons stylistiques mais aussi dialectiques, d'intégrer les documents d'archive dans le cours du récit, surtout lorsqu'il s'agit d'une biographie ; la pratique qui consiste à reproduire une liste de lettres ou d'articles me semble tout à la fois rébarbative et inintéressante, sans parler du fait qu'il s'agit en général d'un signe de paresse ! Ce qui est complexe, c'est d'articuler de façon cohérente une masse aussi considérable de documents : il faut pour cela avoir une perspective bien définie. Cela s'est révélé tout particulièrement essentiel dans l'étude comparée de la réception des œuvres d'Onslow dans les trois pays où sa musique a été le plus jouée : la France, l'Allemagne et l'Angleterre. Il ressort de cette synthèse un tableau très intéressant des disparités culturelles en Europe, dont Onslow fut en quelque sorte le miroir de concentration.

Le site G. O. : Il s'agit là effectivement d'un travail qui n'avait jamais été réalisé : néanmoins vous avez eu des prédécesseurs au 19e siècle ?

B. J. : En effet : en 1889, et coup sur coup, deux brefs opuscules ont été publiés sur Onslow : l'un, écrit par Cirice Teillard, fut édité à Paris, tandis que l'autre, beaucoup plus conséquent et qui resta longtemps une référence, était l'œuvre d'un certain Luguet, professeur de philosophie de la Faculté des Lettres de Clermont. Puis, ce fut l'oubli quasi complet : on ne trouve plus en librairie le moindre ouvrage consacré à Onslow, en dehors des deux que j'évoquais auparavant, mais qui n'ont pas connu une diffusion très importante, le premier n'ayant jamais été publié en français, et le second ayant été édité par une petite maison d'édition de Cannes et tiré un petit nombre d'exemplaires. Ce sont donc davantage les musiciens, les interprètes qui ont assuré l'intérim en s'efforçant d'entretenir la flamme : je pense bien évidemment au quatuor Parrenin qui, sous l'impulsion de Carl de Nys, a enregistré de très beaux disques au château de Valprivas, et beaucoup plus récemment, je ne peux oublier de mentionner le superbe travail du quatuor Mandelring, qui est basé en Allemagne.

Le site G. O. : Et puis il y a le quatuor Prima Vista dont vous êtes le directeur artistique : votre expérience de musicien a-t-elle influencé votre compréhension de George Onslow ?

B. J. : Très certainement car je me sens très proche des interprètes auxquels il a confié l'exécution de ses œuvres : comme eux, nous voyageons, nous sommes confrontés à des obstacles institutionnels, le public nous impose parfois ses choix, nous rencontrons des compositeurs soucieux de faire valoir leur talent, nous devons géré la logistique qui préside à l'organisation de tout concert, etc. Le regard que nous portons en tant qu'acteurs de la vie musicale sur la vie d'un compositeur est porteuse de notre propre expérience et des analogies que nous y traçons : à travers les réactions d'Onslow, les opinions exprimées dans la presse, et les choix fait par les musiciens de son époque, il ne m'est pas difficile de retrouver les préoccupations de mes contemporains. Je fréquente quasi quotidiennement des artistes, des journalistes, des éditeurs, des compositeurs : leurs aspirations, leurs inquiétudes, leurs succès et leurs échecs demeurant inchangés. Il est donc très facile de distinguer une biographie écrite par quelqu'un "du métier", et une autre écrite par quelqu'un qui vit en dehors du métier. Pour ma part, j'ai le sentiment de prendre fait et cause pour George Onslow, tant comme biographe que comme interprète - l'un enrichissant l'autre. C'est ici l'endroit de dire que le domaine chambriste (quatuors et quintettes à cordes) fut celui de George Onslow par excellence, et non le piano, dont il était un interprète de modeste talent, et auquel il ne consacra que quelques rares partitions peu significatives : sa seule et unique Sonate pour piano (opus 2) est une œuvre de jeunesse qui ne soutient pas même la comparaison avec ses excellents Quintette opus 1 qui, dès leur parution, rencontrèrent un accueil très favorable et inaugurèrent une belle lignée de partitions qui devaient faire sa renommée. Il ne reste que deux duos et une petite poignée de pièces brèves et isolées dont il n'est d'ailleurs jamais question dans les commentaires des contemporains d'Onslow, pas plus que dans ses propres écrits personnels.

Le site G. O. : Quels ont été les défis de la recherche documentaire ? Le catalogue de l'œuvre de George Onslow, que nous reproduisons sur notre site avec votre aimable autorisation, a-t-il été difficile à établir ?

B. J. : Je ne sais pas si l'on peut parler de "défis", encore que le dépouillement de la presse clermontoise, londonienne et allemande ait été une entreprise complexe et d'une certaine envergure. Pour ce qui est du catalogue, il ne s'agit pas là d'un exploit dans la mesure où, d'une part, 99% des œuvres d'Onslow sont conservées à la B.N.F., et il suffit donc de s'y rendre pour en dresser la liste (ce que Christiana Nobach avait déjà fait en 1985 pour tout ce qui concerne la musique de chambre, c'est-à-dire la quasi totalité de l'œuvre onslowienne), et d'autre part, le catalogue qui figure dans l'article de la Biographie universelle des musiciens de Fétis est presque complet, à quelques exceptions près. Les quelques partitions qui restent sont conservées au château d'Aulteribe ou sont mentionnées dans la correspondance, également conservée dans ce même château : elles sont du reste tout-à-fait secondaire. Au nombre des curiosités onslowiennes, je citerai par exemple une œuvre vocale (une ballade pour voix et piano) intitulé "Le Dante dans le Paradis" qui n'est mentionnée dans aucun catalogue : cette partition est dédiée à Madame Louise Benazet, fille d’un impressario parisien à qui Rossini offrit en mars 1835 un album de mélodies de la plume de compositeurs renommés tels que Bellini, Meyerbeer, Cherubini, Paër, Spontini, etc. Il n’existe qu’un exemplaire de cet album. Mais il ne s'agit là que d'une œuvre parfaitement mineure et de circonstance. À l'instar de cette pièce anecdotique, les œuvres majeures d'Onslow sont toutes accessibles et c'est là un des nombreux paradoxes que rencontre celui qui veut se consacrer à l'étude d'Onslow : il est pour ainsi dire impossible de se procurer la plupart de ses partitions en édition moderne, mais en revanche, elles sont presque toutes disponibles dans des fonds publics ouverts à tout un chacun ! Et pour en finir avec votre question sur le catalogue d'Onslow, je dirai que l'essentiel n'est pas dans son établissement, mais dans sa diffusion, car là est bien l'essentiel, n'est-ce pas ?

Le site G. O. : Effectivement, et nous savons avec quel enthousiasme et quelle persévérance vous vous consacrez à cette diffusion, tant en France qu'à l'étranger.

B. J. : Mais je ne suis pas le seul à me passionner pour Onslow, même si le nombre de ceux qui partagent cette passion sont rares. Une des récempenses les plus précieuses de ce travail, ce sont effectivement les rencontres qu'elles suscitent : récemment encore, j'étais à New-York où j'ai eu le plaisir de faire la connaissance d'Albert Novikoff, le Président de la Onslow Society, ainsi que de plusieurs membres de cette société qui sont tous des amateurs enthousiastes et érudits de musique de chambre et en compagnie de qui j'ai passé des heures passionnantes. Ils pratiquent régulièrement les quatuors et quintettes d'Onslow dont il possèdent de superbes éditions d'époque, ainsi que de nombreuses archives authentiques et autographes. Mais par dessus tout, nous nous sommes découverts de nombreux amis communs en France, à commencer par l'équipe du Centre Culturel de Valprivas où Albert Novikoff a passé des après-midi à déchiffrer les partitions d'Onslow, quelques décennies avant que j'y vienne moi-même avec mon quatuor pour y interpréter ce répertoire en concert.

Le site G. O. : Il y a donc une communauté d'onslowphiles et des lieux qui les réunissent ?

B. J. : Tout-à-fait et je suis très heureux d'avoir pu rencontrer les uns et visiter les autres. Il ne m'a hélas pas été donné de connaître Carl de Nys, mais j'entretiens des relations d'amitié avec toute l'équipe du Centre de Valprivas dont il fut l'animateur durant des années, à commencer par Hélène Salomé (récemment décédée le 5 juin 2007 - NDLR) et sa sœur Brigitte Adam : le concert que nous y donnons chaque année est un moment fort de notre saison. La rencontre avec Serge Collot fut également un moment important car il m'a permis de faire le lien avec une tradition instrumentale riche d'enseignements : le fait que nous ayons interprété côte-à-côte un quintette d'Onslow restera toujours gravé dans ma mémoire. Mon travail de recherche au Château d'Aulteribe fut l'occasion de faire la connaissance de Jean-Pierre Jourdan, Conservateur de ce petit joyaux trop peu connu des Monuments Historiques : son aide inconditionnelle et ses conseils avisés m'ont été précieux et nous devrions bientôt nous retrouver autour d'un projet de conférence. Un autre acteur central de cette communauté s'appelle Jean-Jacques Le Moan : il est le fondateur de l'association Les Onslow d'Auvergne dont l'objectif est de mieux faire connaître non seulement George Onslow mais également les autres membres de cette famille qui ont fait preuve de talents artistiques, notammentle peintre Édouard, neveu du compositeur, dont le centième anniversaire, récemment célélbré, a donné lieu à une série d'expositions dans la Haute-Loire ; un ouvrage est paru à cette occasion, sous l'égide de Mr Le Moan, dont on m'a demandé de rédiger l'article introductif. Albert Novikoff, à New-York, est ma plus récente rencontre onslowienne et elle se solde d'ores et déjà par un lien concret puisqu'il sera notre invité d'honneur cet été pour la quatrième édition des "Soirées Onslow". Et que dire des nombreuses rencontres qui ont jalonné mon parcours sur les traces d'Onslow : chacune m'a marqué d'une façon singulière et je conserve de chacune un souvenir très précis, comme de cet homme dont le bisaïeul travailla au service de George Onslow sur ses terres vignicoles et qui conserve dans son grenier des gravures que lui avait offertes le compositeur ...
Quant aux lieux onslowiens, j'en ai visité un bon nombre en compagnie de mes partenaires du quatuor Prima Vista : le château de Chalendrat, l'église de Sermentizon, l'Hôtel de Ville de Pérignat-es-Allier, l'Hôtel de Ville de Mirefleurs, la chapelle du Bon Pasteur sise au couvent des Ursulines, sans parler des villes de Clermont-Ferrand et Londres où Onslow passa une partie de sa vie.
Il est important de s'inscrire dans la continuité de la recherche et de la pratique onslowiennes - deux activités qui sont, à mon sens, indissociables - et je m'y emploie avec tout le bénéfice que procurent les rencontres fondées sur le partage et le respect.

Le site G. O. : Il a été dit quelque-part sur internet que votre ouvrage a été publié à compte d'auteur, en "auto-édition" : est-ce exact ?

B. J. : C'est totalement faux ! Hélas, internet est un domaine encore peu réglementé et il convient de se montrer circonspect à l'égard des informations qui y circulent, en particulier sur les sites privés et non officiels qui colportent souvent des propos erronés, parfois diffamatoires ou tout simplement grotesques. Trop de personnes utilisent internet comme une tribune de leurs rancœurs personnelles : leur audience est heureusement très réduite, sinon insignifiante. En ce qui concerne les Éditions du Mélophile, qui ont publié ma biographie de George Onslow, il s'agit d'une maison d'édition bien réelle qui a actuellement son siège à Vichy **, qui dispose d'une inscription légale auprès des différents organismes professionnels qui régissent son activité, et dont le responsable de publication, Dominique Jayles, prépare actuellement une édition particulièrement intéressante des Sonates pour violoncelle de Bréval. J'ajoute que les Éditions du Mélophile ont reçu le soutien du Ministère de la Culture (DRAC Auvergne), de la Région Auvergne et de la Ville de Clermont-Ferrand pour publier ce livre dont je suis effectivement l'auteur mais en aucun cas l'éditeur. Je n'assume d'ailleurs aucune responsabilité administrative au sein de cette organisation. On ne se méfiera donc jamais assez des ragots !

Le site G. O. : En revanche, il est exact que le Chamber Music Journal publié par la Cobbett Association a récemment désigné votre ouvrage comme "the definitive Onslow book" (Volume XVI n°1, printemps 2005).

B. J. : C'est ce que m'a dit un proche ami qui est membre de cette illustre société. On ne refuse pas un compliment, surtout lorsqu'il émane d'une source aussi respectable et digne de confiance, mais je n'aurais pas la prétention de prendre ces paroles au pied de la lettre, ne serait-ce qu'en raison des nouvelles découvertes que j'ai faites depuis la sortie de mon texte et qui me permettent déjà d'envisager une seconde édition considérablement augmentée. La recherche dans quelque domaine que ce soit ne touche jamais à sa fin : j'en sais quelque chose !

Le site G. O. : Précisons que vous êtes également l'initiateur - toujours aux Éditions du Mélophile - de la première édition complète et critique des 36 quatuors d'Onslow préfacée par Serge Collot, ce qui n'est pas la moindre des cautions (cf. notre rubrique "partitions"). Baudime Jam, je vous remercie beaucoup d'avoir pris le temps de répondre à nos questions. Nous aurons l'occasion de reprendre notre discussion pour aborder plus en détails votre "lecture" d'Onslow, et, en attendant, nous invitons les internautes à se plonger dans votre livre qui est disponible actuellement dans le réseau FNAC, mais aussi sur internet, notamment sur Decitre, Amazon.fr et Chapitre.com, avant d'être prochainement traduit en anglais et en allemand, ce dont nous reparlerons.

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* 564 pages, ISBN : 2-9520076-0-8 / EAN : 9-782952-007603.

** Les Éditions du Mélophile, 34 Boulevard du Sichon, 03200 Vichy. (SIRET : 450 351 267 00015). Référencement sur le site du CRL Auvergne :

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