> Interview avec Ray Silvertrust

 

Ray Silvertrust est l'actuel Président de la Cobbett Association qui a son siège aux États-Unis, dans l'Illinois. Il interprète régulièrement la musique de chambre d'Onslow, il a écrit des articles à son sujet et a publié certaines de ses œuvres. Nous nous devions de le rencontrer et nous sommes très heureux de pouvoir l'accueillir sur le site de George Onslow.


Le site George Onslow :
Pouvez-vous nous présenter la Cobbett Association, ses origines et ses buts ?

Ray Silvertrust : La Cobbett Association a été fondée en octobre 1990 par un violoniste amateur, Robert Maas. Elle porte le nom de W. W. Cobbett qui publia la base de données sur la musique de chambre la plus importante qui existe en anglais et probablement toutes langues confondues. Les deux premiers volumes ont été édités en 1929 et un troisième en 1963. Les œuvres des grands maîtres tels que Beethoven et Brahms y sont bien entendu présentées, mais cette encyclopédie est surtout consacrée aux compositeurs les moins connus. (Hélas, l'article consacré à Onslow est très inexact en raison du fait que son auteur n'a jamais joué et probablement jamais entendu la musique dont il parle). Mr. Maas s'intéressait tout particulièrement au répertoire méconnu de musique de chambre et c'était selon lui la vocation de la Cobbett Association que de promouvoir et de réhabiliter celles, parmi ces œuvres injustement oubliées, qui méritaient d'être redécouvertes. Malheureusement, Mr. Maas décéda peu de temps après avoir fondé son Association et il ne put achever son vaste projet. J'ai pris sa succession et je préside l'association depuis maintenant 13 ans.

Afin de servir au mieux les objectifs de l'Association, il m'est apparu qu'il serait bon  de diffuser une publication qui permettrait de tenir informer de nos recherches les amateurs éclairés de musique de chambre. J'ai donc créé le Chamber Music Journal, une parution trimestrielle dont je suis le rédacteur en chef et qui présente des articles consacrés au œuvres peu connues du répertoire chambriste. Une rubrique est également consacrée aux nouveaux enregistrements de ce genre de musique : nos critiques portent alors sur la musique, pas sur les interprètes. Bien souvent, il n'y a pas d'autres enregistrements de ces œuvres dont les éditions sont épuisées. Nous encourageons les musiciens professionnels à les inscrire à leur répertoire et nous essayons de les faire ré-éditer. Nous possédons également un fond musical contenant plus de 1200 œuvres introuvables dont nous faisons des photocopies pour nos adhérents. Des articles ont été rédigés à propos de compositeurs tels que Spohr, Rheinberger, Saint Saens, Fibich, Taneyev, Stenhammar, Arriaga, Cherubini, Schulhoff, Bacewicz, Haas, Resphigi, Rubbra, Ireland, Reicha, Chaminade, Onslow et bien d'autres. Entre 1997 et 2000, nous avons publié une série de 13 articles consacrés aux 36 quatuors à cordes de George Onslow et que j'ai réunis pour les faire paraître en 2005 sous la forme d'un essai.

L'adhésion à la Cobbett Association est ouverte à tous et à toutes, professionnels et amateurs. Nous comptons parmi nos adhérents plusieurs ensembles de chambre renommés tels que les quatuors Miami, Shanghai, Chiligirian, Guarneri, Mandelring et Prima Vista, les trios de Vienna et de Philadelphie. Des bibliothèques musicales et universitaires sont également affiliées à notre association ainsi que certaines des plus célèbres librairies musicales du monde.La cotisation annuelle est de $25 pour les adhérents résidant hors des États-Unis. Les membres reçoivent un abonnement au Chamber Music Journal, bénéficient d'un accès complet aux œuvres de notre bibliothèque musicale dont ils peuvent se faire faire des photocopies, et profitent de nos recherches pour localiser certaines partitions rares. Si l'une d'entre elles est publiée, nos membres pourront s'adresser auprès des meilleurs revendeurs spécialisés, tels que Broekmans en Van Poppel à Amsterdam ou Performers Music à Chicago, qui sont eux aussi, pour la plupart, des membres de notre association. Pour toute information concernant l'Association Cobbett, on peut nous envoyer un email.

Le site G. O. : Comment avez-vous fait la connaissance de George Onslow ?

R. S. : J'ai découvert l'existence des quatuors d'Onslow il y a 25 ans grâce à des amis de l'Amateur Chamber Music Players, en particulier le Dr. Nicholas Cunningham et le Professeur Albert Novikoff, ce dernier étant membre de la Onslow Society de New-York.

Le site G. O. : De quelle façon vous êtes-vous procuré des partitions d'époque ?

R. S. : En me rendant chez des antiquaires européens tels que Doblinger à Vienne et Dan Fog à Copenhague, mais aussi en m'adressant à des collectionneurs privés, notamment le Dr. James Whitby qui m'a vendu les 18 premiers quatuors d'Onslow.

Le site G. O. : Appartenez-vous vous-même à un ensemble de chambre ? Êtes-vous professionnel ou amateur ?

R. S. : Je me produis localement dans un quatuor à cordes et dans un trio avec piano. En dépit d'une brève expérience professionnelle il y a maintenant 35 ans, et tout en prêtant mes services ponctuellement dans des formations professionnelles, je joue essentiellement en tant qu'amateur.

Le site G. O. : Comment décririez-vous l'importance de George Onslow dans l'Histoire moderne de la musique ?

R. S. : Je dirais qu'Onslow occupe une place extrêment importante dans l'Histoire de la musique. D'après moi, personne n'a autant composé de musique de chambre de cette qualité qui soit absente du répertoire de concert, alors qu'elle le mérite. Par exemple, si la totalité de ses 36 quatuors à cordes ne sont pas des chefs-d'œuvre ou même de grandes œuvres, aucun n'est mauvais et un nombre impressionnant sont de toute première qualité. Sa musique de chambre avec piano, en revanche, est très loin d'égaler ses quatuors et quintettes. Lorsqu'il est mentionné dans les ouvrages encyclopédiques (par exemple dans la Cobbett's Cyclopedia ou dans le Wilhelm Altmann's Handbuch für Streichquartettspieler), Onslow est loué pour ses quintettes à deux violoncelles ce qui s'explique, selon moi, par le fait qu'il est le seul à en avoir écrit autant, en dehors de Boccherini. Il ne s'agit pas de dire que ces œuvres sont d'un moindre intérêt, mais elles ont eu tendance, au XXe siècle, à occulter ses quatuors à cordes. J'estime pour ma part que les quatuors sont aussi bons sinon meilleurs que les quintettes. À ce sujet, et toujours selon moi, je pense que les trois plus beaux quintettes sont ceux pour deux altos (Opp.78, 80 and 82).

Le site G. O. : Connaissez-vous l'ouvrage de Christiana Nobach publié en 1985 chez Bärenreiter et qui consiste en une vaste analyse de l'œuvre chambriste d'Onslow ? Si tel est le cas, que pensez-vous de ce travail ?

R. S. : J'ai eu connaissance du livre du Professeur Christiana Nobach : je ne l'ai pas lu mais je connais des gens qui l'ont lu et qui m'ont expliqué qu'il s'agit d'une analyse très pointue qui s'adresse avant tout aux musicologues, alors que l'essai dont je suis l'auteur s'adresse aux musiciens et aux mélomanes.

Le site G. O. : Avez-vous lu la biographie complète de George Onslow écrite par Baudime Jam et publiée en 2003 par Les Éditions du Mélophile ? Si tel est le cas, que pensez-vous de cet ouvrage ?

R. S. : Je n'ai pas lu cette biographie car mon français est très faible et qu'il me faudrait utiliser un dictionnaire pour ainsi dire à chaque phrase, ce qui n'est pas très confortable. Mais j'ai tout de même lu certains passages qui m'intéressaient plus aprticulièrement et ma fille, qui parle couramment le français, m'en a traduites d'autres, de sorte qu'en tout et pour tout j'ai dû lire environ 1/5 des 560 pages. Il ne fait aucun doute qu'il s'agit là d'un livre très important. Rien de semblable n'avait jamais été fait auparavant. Il faut néanmoins évoquer le Dr. Richard Franks qui fit des recherches sur Onslow durant dix ans et qui rédigea en 1981 une excellente thèse intitulée "George Onslow, A Study of His Life, Family and Works". Cet travail de 1013 pages n'a malheureusement jamais été publié : on peut néanmoins s'en procurer une copie, ainsi que je l'ai fait.

Le site G. O. : En France, le quatuor Prima Vista a créé les "Soirées Onslow" (actuellement le seul festival consacré à Onslow) ainsi que la "Journée Onslow" (une manifestation annuelle comprenant un concert, une conférence et une exposition) : cet ensemble se produit en France et en Europe, et sera bientôt aux États-Unis, où il interprète les quatuors à cordes d'Onslow dans l'édition complète et critique qui paraît aux Éditions du Mélophile. En Allemagne, le quatuor Mandelring a réalisé quelques très beaux enregistrements d'une sélection de ces quatuors. Que pensez-vous du partenariat que peuvent nouer une maison d'édition musicale et des interprètes .

R. S. : Je pense que le travail mené par le quatuor Prima Vista et le quatuor Mandelring est extrêmement important et je souhaite leur apporter mon soutien de toutes les façons possibles. Il est très important que ceux qui publient les partitions soient associés à ceux qui les interprètent en concert. J'ai moi-même créé une petite maison d'édition, Edition Silvertrust, qui publie les œuvres de compositeurs tels que Onslow. Récemment, nous avons réimprimé deux de ses quatuors d'après l'édition Kistner du XIXe siècle : No.19, Op.46 No.1 and No.22, Op.47, et nous venons tout juste de publier le Quatuor à cordes n°30 Op.56. On peut en savoir davantage sur ces publications et écouter des extraits musicaux sur notre site internet. Il est clair que les éditeurs ont tout à gagner en s'associant aux musiciens : cela leur permet de sélectionner les meilleures partitions tandis que les interprètes, en les popularisant, génère une demande de matériels instrumentaux.

The G. O. w. : Avez-vous fait connaissance avec le site de George Onslow ? Que pensez-vous d'internet en tant que moyen de diffusion du savoir ?

R. S. : J'ai déjà visité le site de George Onslow à plusieurs reprises : il est vraiment superbe et en constante amélioration. Mes compliments ! Nous avons d'ailleurs inséré un lien sur notre site des Éditions Silvertrust. Je crois qu'internet est en train de devenir le moyen le plus important pour la diffusion de l'information. Autrefois, les gens se rendaient dans des bibliothèques pour consulter des ouvrages de référence tels que les encyclopédies et les dictionnaires, mais de nos jours ils se rendent sur le web et utilise des moteurs de recherche tels que Google. Internet sera la base de données du XXIe siècle.

Le site G. O. : Vous avez écrit une série d'articles à propos des quatuors d'Onslow : parlez-nous de la façon dont votre propre pratique instrumentale a enrichi votre analyse musicologique.

R. S. : Je m'impose comme règle de ne jamais écrire quoi que ce soit sur une œuvre tant que je ne l'ai pas jouée moi-même. (Je contribue souvent au rédactionnel du Chamber Music Journal). En ce qui concerne les 36 quatuors d'Onslow, je les ai joué chacun au moins cinq fois et, aussi souvent que possible, avec des partenaires différents. J'ai interprété 25 d'entre eux en public lors de concerts locaux. Cela m'a pris près de cinq ans, mais cela représente un grand nombre de quatuors. Il est si fréquent de lire des articles écrits par une personne qui n'a probablement jamais interprété mais seulement entendu un enregistrement de l'œuvre dont il est question. Je suis pour ma part très circonspect à l'égard de tels écrits, lesquels, en tout état de cause, n'ont aucune valeur pour les musiciens. C'est pourquoi je crois qu'il est impératif de joué les œuvres.

Le site G. O. : Merci beaucoup Mr Silvertrust.

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